« On n’est pas là pour disparaître » au théâtre des Halles ou comment l’amour peut être plus fort que la mort ?
Le thème annoncé est sur la maladie d’Alzheimer. On ne peut s’y tromper car une projection – scientifique, preuve à l’appui avec des chiffres et des schémas – nous explique pendant le premier quart d’heure du spectacle ce qu’est la maladie d’A, sa découverte, ses progrès pour la stabiliser à défaut de la soigner, les ravages qu’elle fait. On nous propose même, par des questions ciblées, de faire des exercices, des expériences de pensées pour tenter de se représenter de manière très concrète l’effet de cette perte d’identité. Mais ce spectacle va bien au-delà….
Passage de témoins
Au départ un fait divers : le 6 juillet 2004, Mr T, atteint de la maladie d’Alzheimer poignarde sa femme de cinq coups de couteaux. Olivia Rosenthal s’empare de ce fait divers pour le ponctuer de ses propres angoisses dans un livre magnifique « On n’est pas là pour disparaître » ( 2007). L’écriture d’Olivia Rosenthal séduit depuis longtemps l’auteur et metteur en scène Mathieu Touzé et le thème d’une maladie qui sépare les gens résonne assez fortement en lui après ces années covid.
Le travail au plateau
Dans le livre c’est une seule voix qui parle, qui écrit et qui traverse des personnages. Sur scène , c’est l’extraordinaire comédien Yuming Hey qui réunit à lui seul toutes ces voix – la femme de monsieur T, les médecins, monsieur T, les soignants – dans un fil narratif qui emmène le spectateur du début à la fin dans la dramaturgie du spectacle. Il parvient par son incroyable immobilité, littéralement ancré sur le plateau à dessiner un aller retour permanents entre les personnages sans nous perdre. Tout bouge autour de lui, le chaos comme les cris d’amour de ses proches. Il est la révolte de Mr T ; il est l’incarnation de l’amour de Mme T qui lutte contre l’effacement de son identité. Il est, par un battement de paupière, une voix qui s’altère, un pied qui pivote légèrement, les tensions corporelles qui affleurent un homme qui finit par effacer lui même sa vie qui lui échappe.
Dans la maladie d’Alzheimer et non pas sur
Nous plongeons littéralement dans la douleur de Mr T et Mme T dont nous connaissons l’issue. Nous faisons l’expérience de la perte, de l’oubli, de l’absence de souvenirs. Nous comprenons qu’il est «compliqué d’être un homme» , que cette peur de perdre ou d’oublier un proche nous habite en fait constamment.
Plus globalement, ce spectacle nous incite à ne rien reporter, à crier l’urgence de lutter contre l’effacement de l’humanité.
On n’est pas là pour disparaître. Jusqu’au 26 juillet. Relâche les 13 et 20 juillet. 15 et 22€.Théâtre des Halles. Rue du Roi René. 04 32 76 24 51. www.theatredeshalles.com