22 novembre 2024 | Requiem pour Pessoa

Ecrit par Mireille Hurlin le 19 juillet 2021

Requiem pour Pessoa

Un homme s’endort au pied d’un mûrier en lisant « le livre de l’intranquillité ». Dans son rêve tout devient possible… Les rencontres les plus surréalistes s’enchaînent dans une Lisbonne imaginaire, où les personnages du présent, croisent les fantômes du passé. C’est une déambulation théâtrale, poétique, et, chorégraphique, une quête hallucinée à la recherche d’un des plus grands poètes du XXème siècle : Fernando Pessoa (1888-1935 à 47 ans). Un spectacle musical et poétique de Benjamin Perez.

Inspiré du livre de l’intranquillité

«Nous vivons tous, ici-bas, à bord d’un navire parti d’un port que nous ne connaissons pas, et voguant vers un autre port que nous ignorons, nous devons avoir les uns envers les autres une amabilité de voyage. » Fernando Pessoa. A travers les (més)aventures d’un voyageur arrivant pour la première fois à Lisbonne, le spectateur est invité à entrer dans univers étrangement familier. Familier car fait d’éléments connus du folklore lisboète (le tramway sinuant dans les rues étroites de la capitale, la nostalgie langoureuse du fado, la douceur de la liqueur de cerises griottes, la ‘ginjinha’ et aussi étrange car, comme la poésie de Fernando Pessoa, il n’a d’universel que sa singularité.

Voyage au creux de la vie et du monde

De rencontres en rencontres, de rêves en rêves, le voyageur est tantôt confronté à ses peurs, ses fantasmes, ses idéaux et ses illusions. Rêves de gloire et de grandeur dans un monde où il faut d’abord exister avant d’être. Mais aussi cauchemars, peur d’être réduit à une seule chose : devenir un artiste ou rien. Terreur à l’idée de n’être qu’une seule version de soi-même, de n’exprimer qu’une infime partie de ses possibilités, en somme, peur de rater sa vie, exister sans avoir exploré la totalité de ses vies. « Les poètes n’ont pas de biographie. C’est leur œuvre qui est leur biographie », a dit le poète mexicain Octavio Paz au sujet de son confrère portugais Fernando Pessoa. Ce dernier déclarait lui-même dans un poème : «Si, après ma mort, vous voulez écrire ma biographie, rien de plus simple. Elle n’a que deux dates – celle de ma venue au monde et celle de ma mort. Entre une chose et l’autre tous les jours sont à moi.»

La musique dans tout cela ?

Elle est le fil conducteur, le moyen de transport, la porte des étoiles et du temps, elle marque l’exil, le déracinement, la douce nostalgie, entre fado –qui veut dire destin, chants populaires et mélancoliques portugais- et musique Klezmer –des juifs ashkénazes de Europe de l’Est et centrale-. Et pour la petite histoire ? ‘Le livre de l’intranquillité’ –journal intime que l’auteur attribue à son double Bernardo Soares- est le chef d’œuvre du grand poète et libre penseur. Là, “je me constelle en cachette et où je possède mon infini”, où il explore à l’infini ces proliférations de soi-même.

L’un des meilleurs livres du monde mis en musique sur scène

Il figure sur la liste des 100 meilleurs livres de tous les temps établie en 2002 par le Cercle Norvégien du Livre, ainsi que sur la liste des 50 œuvres essentielles de la littérature portugaise établie en 2016 par le très prestigieux ‘Diário de Notícias’. En 2018, une nouvelle édition augmentée et réorganisée sous le titre de Livre(s) de l’inquiétude est publiée en français.

«Pour moi, Pessoa, c’est justement ce passager clandestin»

« qui voyage discrètement parmi les siens sans être remarqué, sans être vu ou observé, relate Benjamin Perez. Comme s’il était à la fois un être exceptionnel et absolument quelconque. Une personne qui n’est personne. Des personnes il en a été plusieurs. Tour à tour Alberto Caeiro, Alvaro de Campos, Bernardo Soares… autant de masques (du grec persona) qu’il a porté pour exprimer les différentes facettes de sa personnalité polymorphe. A moins que ses hétéronymes n’aient réellement existé et que lui, Fernando Antonio Nogueira Pessoa ne soit qu’un modeste employé de bureau, préposé aux affaires d’import-export, un anonyme qui se rêvait poète mais qui a préféré laissé ça à d’autres, ou plutôt à d’autres versions de lui-même. »

Grâce à eux

Benjamin Perez (texte-voix-interprétation), Theodora Carla (interprétation – chant- musique). Auteurs Benjamin Perez, Fernando Pessoa.
Requiem pour Pessoa. Théâtre de la Carreterie. Avignon 16h20 les jours pairs. Durée 1h. 19,50€ Jusqu’au 31 juillet. Réservation juqu’au 30 juillet. Résas 04 90 87 39 58 et 07 69 71 98 12.

En savoir plus sur Fernando Pessoa, un homme banal en apparence, un immense écrivain et poète en réalité

https://www.echodumardi.com/culture-loisirs/requiem-pour-pessoa/   1/1