Dès la première image, les notes de la « Barcarolle » des Pêcheurs de perles de Bizet s’égrènent sur un plan-séquence du long-métrage (2h17) adapté du livre éponyme de Pierre Lemaître et tout au long du film, la musique sera un personnage à part entière avec Verdi et Bellini.
Venu au Cinéma Capitole du Pontet pour présenter son travail aux spectateurs, Clovis Cornillac s’est ensuite confié lors d’une conférence de presse à Avignon avant de faire le tour des salles à Aix, Arles, Nice, Montélimar, Lyon, St-Nazaire ou Nantes.
On l’avait déjà rencontré au printemps quand il avait présenté sa dernière œuvre « C’est magnifique », bilan : 200 000 spectateurs. « C’est un échec », confie-t-il, « Un rendez-vous manqué alors que ‘Top gun Maverick’ a déjà attiré 6 millions de personnes, donc les gens retournent au cinéma après la crise sanitaire et le confinement. On ne peut pas faire des films en pensant au résultat, mais on doit faire des films qui concernent les gens. Sinon, on va se retrouver comme l’Italie, l’Allemagne ou l’Espagne qui font 2 ou 3 films par an avec Roberto Begnini, Volker Schlondorff ou Pedro Almodovar, c’est tout. On va se faire manger par les Américains, les plateformes comme Netflix. Nous devons faire d’autres propositions, piquer la curiosité des spectateurs, sinon on va assister à un formatage, un rétrécissement, une uniformisation des esprits ».
« Couleurs de l’incendie » c’est le 2ème opus de Pierre Lemaitre qui fait suite à « Au revoir là-haut » Prix Goncourt, adapté par Albert Dupontel pour le cinéma en 2017 qui avait décroché 5 César. « J’aime ce que Pierre écrit car ses livres ont du souffle, du romanesque, du populaire comme Hugo ou Dumas, il s’agit d’une aventure humaine qui touche même les petites gens, mais pas bas de gamme. Avec une modernité de l’écriture, une élégance qui nous embarque dans un thriller avec jubilation. Jalousie, cupidité, vengeance, trahison, dépit amoureux, place de la femme, montée des extrêmes, corruption traversent ce film ». Clovis Cornillac poursuit : « C’est Pierre qui a adapté son livre et écrit les dialogues, mais quand je voulais changer la narration, il a toujours eu l’élégance d’accepter. ‘Mon livre, il existe, là c’est ton film, tu fais ce que tu veux, c’est toi le réalisateur’. »
Avec une distribution hors-pair, Léa Drucker remarquable (« A partir du moment où on lui enlève tout, elle a tout gagné, elle sait se remettre en question et se battre » commente Clovis Cornillac), Benoît Poolvorde, en pionnier de l’industrie qui subit un camouflet sentimental, Fanny Ardant en diva iconique mais en fin de carrière, (« Elle est cash, sincère, le tournage a été très chouette avec Fanny » précise le réalisateur.) Il y a aussi Alice Isaaz, Olivier Gourmet en député verreux. Quant à Clovis Cornillac qui est chauffeur de taxi au début du film il porte une casquette et une barbichette qui le font ressembler à Lénine! « C’est volontaire, bien sûr. Cela avait du sens de montrer la dignité du prolétariat, la noblesse du travail, la droiture des petites gens et l’utopie comme une force pour les classes populaires face au nazisme et au capital » conclura Clovis. « Couleurs de l’incendie » à voir en salle à partir du 9 novembre.
Andrée Brunetti