C’est dans le cadre des artistes qu’il promeut que François Cance, président d’Artothèque m’emmène dans la campagne luberonnaise. On y tâtonne, cherchant quelques repères dans une garrigue habitée de discrètes demeures. Dans cet endroit, la meilleure façon d’y trouver une improbable adresse est de s’y perdre. C’est là que nous rencontrons Patrick di Meglio, homme de presse devenu homme de plume. Tout un symbole.
Car sa carrière commence, véritablement, aux côtés de Jean-François Kahn, alors qu’il fonde l’Evènement du jeudi (1984). Ça tombe bien car Patrick di Meglio est un œil –terme utilisé pour évoquer une vraie sensibilité à l’univers graphique, à l’équilibre entre le texte et l’image, aux formes et aux couleurs-. Il sera co-fondateur de l’hebdomadaire et son directeur artistique durant 10 ans. Il dirige aussi ‘Paroles et musique’ et ‘Sciences et technologies’… Avant de rejoindre Christine Ockrent à l’Express, puis part pour de nouvelles aventures avec son toujours complice Jean-François Kahn, alors en pleine création de ‘Marianne’ en 1996.
Ce que veut dire di Meglio, en Italien ?
« Le meilleur ou celui du milieu. Je ne suis ni l’un ni l’autre ». « Cependant, une plume pour la presse ? Cela interpelle, comment a commencé l’aventure ? » « J’avais arrêté la presse, alors je me suis remémoré mes désirs d’adolescent. J’étais attiré par les arts graphiques qui m’avaient mené à la presse, et avais laissé de côté les arts de la table, qui m’avaient ému. Durant un an, j’ai donc suivi cette seconde formation : cuisine, pâtisserie et œnologie. Objectif ? Racheter un hameau abandonné datant de 1 800, à Viels, où absolument tout était à refaire. Domaine que nous avons transformé, mon épouse Valérie et moi, en hôtel 3 étoiles et restaurant. C’était vraiment un lieu atypique. Ça a été une année de travail et de bonheur, de rénovation et de restauration.»
«Nous avons revendu l’affaire et nous sommes installés à Nantes,
au moment où la ville explosait, sur le plan culturel et architectural. C’est là que j’ai été approché par NCN Informations qui dirigeait une centaine de journaux en France. Il s’agissait de presse territoriale : Communes, Régions, Départements. J’ai travaillé à la conception de nouveaux journaux, conçu des maquettes, de nouvelles mises en page et voyagé au gré des rédactions. Mon métier restait le même, traduire graphiquement le texte, savoir de quoi l’on parlait et à qui l’on s’adressait. C’était à la fois technique et artistique. L’aventure s’est étendue sur 10 ans. Puis j’ai décidé de changer de vie. Nous avons quitté Nantes pour vivre à Albi où nous avons acquis une bastide de 100 m2 dans laquelle régnait une lumière incroyable. Nous étions face à la cathédrale.»
«Désormais nous vivons à Gordes.
Où je me laisse aller à ce que je suis vraiment, un artiste, car on ne devient par artiste, on naît artiste. Mes parents étaient droguistes. Je me souviens avoir été happé au fond du magasin où étaient stockés des futs de poudre de toutes les couleurs que l’on mélangeait à la chaux pour faire des enduits. Mes parents tremblaient d’y découvrir mes mélanges qui rendaient impropres à la vente les fûts que mes mains avaient visité. Je me rappelle aussi des sons produits par les bouteilles de gaz vides sur lesquelles je frappais avec une baguette pour en extraire d’étonnantes mélodies. J’ai toujours été attiré par le milieu artistique : musique, danse… Je trainais dans les coulisses de théâtre. J’aurais adorer devenir décorateur de théâtre… La vie est trop courte pour tout explorer.»
Comment l’on passe à la plume ?
«Je ramasse les miennes sur la plage et mes amis font de même. Je travaille sur de longs rachis (partie centrale et solide de la plume) –le plus long est celui du paon ou de certains faisans- et les dégarnis de leur barbes et duvets, pour ne conserver que l’arête centrale, le rachis.
«Comment en suis-je venu là ?
J’aime les accumulations. C’est une collègue de l’événement du Jeudi qui, venant d’acheter une maison en région parisienne me demandait des idées de déco. Or, une malle de l’ancien propriétaire était restée dans un appentis au fond du jardin. Elle m’indique d’y aller et j’y découvre des centaines de fagots de plumes d’ailes calibrées et ficelées en parfait état de deux oiseaux : des cigognes et des buses. Je n’ai pas su –je cherche depuis 30 ans- à quoi pouvait servir ce travail si méticuleux et précieux.»
«Puis j’ai oublié la caisse,
et un jour, en la rouvrant, dans notre cave à Nantes, je me suis aperçu que les plumes avaient étaient rongées par les mites. J’ai enlevé les bardes, poncé les rachis, -dont je retrouvais la ligne graphique magnifique- puis les ai assemblés les uns aux autres pour en faire des formes, ensuite reliées par des fils, ce qui constitue un mouvement, sur un fond d’où la lumière pénètre et rend vivante la forme. Je me suis mis à envisager inconsciemment des figures, souvent proches du cercle, d’une nuée. Je ne sais pas ce que cela veut dire.»
«Ce que cela représente pour moi ?
Il faut trouver les plumes, retirer les barbes, poncer, couper. Cela représente beaucoup de sérénité, c’est comme un travail méditatif. Je me sens bien. Pour la création, c’est la plume qui me dirige. Je travaille à plat pour ensuite présenter le travail verticalement. C’est là que je me rends compte du rythme et de l’émotion présente. Si je n’ai pas approché le mouvement voulu, je dois tout recommencer. C’est aussi là que mon épouse, Valérie, intervient. Elle a l’ œil absolu et décrypte en un rien de temps ce qui fonctionne de ce qui n’opère pas. Parfois il faut ajuster un ou deux éléments, parfois il faut tout défaire et refaire.»
«En arrivant dans la bastide d’Albi je me suis mis à beaucoup bricoler.
J’ai, ainsi, retiré, au pied de biche, les clous forgés d’une très belle poutre sur laquelle reposait un plancher. J’ai déposé un à un les clous sur la toile, en les vaporisant de vinaigre blanc afin que la rouille s’y dépose. Au bout d’un mois, l’œuvre s’était dessinée seule. J’ai conservé tous ces clous forgés un à un par un forgeron de temps très anciens.»
«Comment me fais-je connaître ?
par le circuit classique : exposition, émissions, articles. Je suis le plus heureux des hommes lorsque je réussis à me faire connaître, à vendre, mais il n’y a pas cet enjeu financier d’un artiste qui a investi et tremble de vivre de son travail, même si je suis en même temps très fier et respectueux lorsque cela se produit.»
Patrick di Meglio, artiste plasticien sera présent lors de l’assemblée générale d’Artothèque qui a lieu ce jeudi 26 octobre à partir de 17h pour une visite de la collection de la Fondation Blachère puis l’Assemblée générale à 18h30 au café de la gare à Bonnieux. Le courriel de l’artiste : dimeglio44@orange.fr