Intitulée ‘Les faiseurs de notes : être musicien en Provence au siècle des Lumières’ la dernière publication des Editions universitaires d’Avignon propose de plonger dans la société du XVIIIe siècle.
Cet ouvrage, écrit par Aurélien Gras docteur en histoire moderne de l’université d’Avignon, s’attache à reconstituer une figure familière mais méconnue, celle du musicien provençal à l’époque moderne. En l’absence de tout moyen d’enregistrement sonore, l’animation musicale de n’importe quel événement requiert la présence en chair et en os de véritables musiciens au XVIIIe siècle. Par conséquent, ils se rencontrent à tous les niveaux de la société, chez les laïcs comme chez les ecclésiastiques, depuis les fêtes aristocratiques jusqu’aux noces des gens du peuple. Mais qui sont-ils ? Pour nous, il ne fait guère de doute aujourd’hui qu’il s’agit d’artistes. Cette reconnaissance n’allait néanmoins pas encore de soi au siècle des Lumières. Aussi étrange que cela puisse paraître, le faiseur de notes ordinaire n’est alors souvent vu que comme un simple artisan.
Une profession résolument protéiforme
Bien entendu, les images des musiciens varient selon leur statut. Respectable organiste de cathédrale, frivole chanteuse d’opéra, martial tambour militaire ou encore obscur violoneux de quartier, toutes ces figures stéréotypées unies par la pratique musicale dessinent une profession résolument protéiforme. Car c’est bien la diversité qui domine la condition de musicien au XVIIIe siècle. Diversité non seulement professionnelle, mais aussi sociale, culturelle et même géographique. Chanter dans un chœur d’église urbaine à Avignon ne signifie pas la même chose que faire danser les jeunes bergers dans les villages montagneux de Haute-Provence, encore moins que battre la caisse en pleine bataille navale sur un navire marseillais ou toulonnais de la Marine royale.
Portrait-type du faiseur de notes ordinaire
Derrière les instruments se cachent surtout des hommes et des femmes, que ce livre tâche de révéler. A la jonction d’environnements sociaux très différents dans le quotidien de leur métier, d’où viennent les musiciens eux-mêmes ? Qui fréquentent-ils ? Où habitent-ils ? Comment sont-ils parvenus à la musique, par quelle formation ? Autant d’interrogations qui permettent de brosser un portrait-type du faiseur de notes ordinaire des Lumières. Un portrait sans cesse changeant d’individus qui se déplacent volontiers de ville en ville, voire de pays en pays, pour exercer leur profession. La mobilité spatiale les caractérise autant que leur diversité sociale.
A travers cet ouvrage, l’auteur, ancien boursier de l’Ecole française de Rome, invite à plonger ensemble dans cet univers bigarré plein de couleurs, ce kaléidoscope bouillonnant de vies humaines. Pour, simplement, toucher du doigt autant que de l’oreille ces animateurs du décor sonore du monde d’autrefois.
‘Les faiseurs de notes : être musicien en Provence au siècle des Lumières’. Aurélien Gras. Collection Enjeux. 384 pages-Illustrations, cartes, bibliographie. 28€. Editions universitaires d’Avignon