Le fils, c’est le metteur en scène britannique Alexander Zeldin qui livre, ici, un magnifique portrait de femme : Alice, sa mère. Zeldin est connu pour son théâtre hyperréaliste. Il s’est appuyé sur des heures d’entretiens qu’il a eues avec sa mère : sa vie, ses combats, ses blessures, ses amours.
Le spectacle a commencé depuis quelques minutes dans la belle salle de la FabricA mais peut-être ne le sait-on pas.
Qui est cette frêle silhouette qui cherche sa place au premier rang. Non ? Elle s’avance et se permet d’un geste hésitant d’entrouvrir le rideau de velours rouge. Pas le temps de réfléchir et nous voici dans l’intimité de 3 jeunes filles attendant l’arrivée des cadets pour le Gala de la Marine. Nous sommes en Australie, au début des années 60. La salle est toujours allumée : nous comprenons alors que nous faisons partie du spectacle et que nous serons, pendant 2 heures, au cœur de la vie d’Alice.
Une vie ?
Non, plutôt une épopée, une saga dont nous supputons la fin puisque c’est le fils qui la relate. Mais avant il y aura le parcours fabuleux d’une enfant de la classe ouvrière née en Australie en 1943, qui rêve de peinture, rate des études universitaires, se marie un peu vite avec un officier de marine, divorce, part s’installer à Londres en passant par l’Italie et Paris pour rencontrer ensuite le père d’Alexander Zeldin. Il y aura des joies, des traumatismes, des belles rencontres. Il y aura toujours l’énergie d’une femme battante où l’émancipation est un combat de chaque instant.
Cette histoire on ne nous la raconte pas, nous la vivons et c’est formidable !
Il y a quelque chose de jubilatoire dans la mise en scène. Un monde s’écroule, un changement survient, un traumatisme naît ? Et le rideau se ferme pour se rouvrir sur le tableau suivant. Nouveau décor, habillement différent, ambiance musicale. Les acteurs sont déjà en place et nous les rejoignons dans leurs discussions.
Nous avons eu le temps infime de prendre les décisions d’Alice en temps réel
et nous ne sommes guère surpris quand le rideau se lève : oui elle a décidé de quitter ce mari psychorigide et violent, oui elle a décidé de s’enfuir après un viol. Oui elle a pris les bonnes décisions. Quand le rideau s’ouvre nous sommes dans un autre univers, une ellipse de quelques années, un pays différent et une Alice – merveilleuse Eryn Jean Norvill – qui s’affirme de plus en plus, qui arrête de courir après ses rêves pour rencontrer enfin le Pierrot du peintre Watteau…..puis plus tard le père d’Alexander Zeldin
Au fur et à mesure du spectacle,
Zeldin modélise cette saga en élargissant le plateau de jeu, reléguant au fond les différents décors qui témoignent d’une vie passée très riche. Rien n’est renié, tout est intact et Alexander Zeldin a su nous restituer une mémoire en mouvement. Le vertige et l’émotion nous étreignent à la fin de ces «Confessions». Nous ne voulons pas partir, il le faut pourtant mais avec une énergie nouvelle.
Le spectacle sera joué cet automne au théâtre de l’Odéon à Paris du 2 septembre au 14 octobre 2023.