Inspirées du livre éponyme de Karine Tuil édité chez Gallimard et couronné en 2019 du Prix Interallié et du Goncourt des Lycéens, ‘Les choses humaines’ sont inspirées d’un fait-divers : une jeune femme victime d’un viol dépose plainte contre son agresseur.
Pas manichéen
En 2h18, ce thriller social interroge la société, son rapport au féminisme, à la culture du viol. Ni noir, ni blanc, ni manichéen, il dissèque la complexité des protagonistes, ‘Lui’, ‘Elle’, leur famille respective, les jugements à l’emporte-pièce et au napalm des réseaux sociaux. En cette ère post ‘#Metoo’, Yvan Attal prend son temps, du recul, donne la parole aux deux camps, suscite la réflexion, le débat pour que chacun se forge son opinion en son âme et conscience sans céder à l’air du temps et à l’emballement médiatico-judiciaire.
Avec une mère féministe à tout-crin qui n’a pas de mots assez durs contre les oppresseurs mâles (Charlotte Gainsbourg), un père septuagénaire, toujours vedette de télévision, aussi cynique et libidineux que désinvolte (Pierre Arditi), Alexandre (Ben Attal), brillant étudiant en Californie est tour à tout touchant, égoïste, aimé, détesté, arrogant. Il est accusé d’avoir abusé de Mila, dont on ne sait si elle est sous son charme ou son emprise et surtout, si elle est ou non consentante.
Les questions fusent tout au long des images : la violence sexuelle est-elle incontestable ou ressentie ? L’accusé forcément cruel et la victime assoiffée de vengeance ? Elles ont été posées, à l’issue de la projection au réalisateur Yvan Attal et à Charlotte Gainsbourg venus présenter le film en avant-première au Capitole.
Ne pas trahir les femmes violées
« Je ne voulais pas trahir les femmes violées, explique Yvan Attal. Mais je ne voulais pas non plus accabler le jeune homme accusé de viol à 22 ans. L’instruction judiciaire de cette affaire a duré 30 mois, c’est long, c’est dire si tous les témoignages ont été passés au crible, recoupés, décryptés, pour comprendre le déroulement des faits. J’ai aussi souhaité montrer qu’on ne peut pas avoir un avis tranché en deux secondes, en hurlant avec les loups sur internet. Juger est difficile. Dans ce film, plus de deux vies sont gâchées, celle du ‘violeur’ présumé, celle de la victime, mais aussi celles de leurs familles. »
Et le réalisateur filme en lents et longs plans-séquences la plaidoirie de l’accusation et de la défense, comme l’interrogatoire au scalpel de la jeune Mila à la barre devant la Cour d’Assises.
Quant à Charlotte Gainsbourg, qui interprète la maman d’Alexandre, elle avoue « Je n’ai pas choisi le jugement de Salomon, je connais mon fils, il est doux, attentionné, gentil, jamais il n’aurait violenté qui que ce soit. Je vois bien aussi dans quel état désespéré est Mila, elle ne ment pas. Mais, dans ce rôle, je suis une mère avant d’être une féministe ».
« A chacun sa vérité » comme l’aurait écrit Pirandello. En tout cas ‘Les choses humaines’ qui ont clôturé la dernière soirée du Festival de Deauville et décroché ‘Le Chabrol d’Or’ sortiront au Capitole le 1er décembre.