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Chapelle des Antonins, On a aimé Dans la solitude des champs de coton

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Un homme marche à la nuit tombée. A quelques mètres de lui, une femme tient commerce. Que veut l’homme en costume et que propose la femme ? C’est toute l’ambiguïté de ces deux êtres qui attendent quelque chose l’un de l’autre mais ne ni ne veulent, ni souhaitent, formuler l’objet du marché.

Alors, de quoi est-il question ?
De pouvoir. Quel est le plus puissant des deux ? Le client qui doit formuler sa demande ou la marchande qui doit monnayer le service attendu. Plus globalement, il pourrait s’agir de l’économie d’un pays, des pauvres face aux riches, des demandeurs face aux décideurs. Ou de façon plus terre à terre, d’un dealer ou d’une prostituée face à un potentiel client.

Cependant aucun lien
d’une quelconque nature ne sera dessiné face à cette étrange conversation qui décrit, par le menu, le rapport de force qui s’instaure entre un demandeur et un pourvoyeur. D’ailleurs cet étrange lien ne serait-il pas viscéralement ancré dans notre chair puisque nous sommes tous, même avant notre naissance, le demandeur et le client de tout ce que nous vivons ? Ce que je retiens ? L’objet du désir du client n’est jamais nommé. Alors qu’en est-il des personnes qui détiennent l’information de celles qui n’y ont pas accès. C’est sans doute là le suprême pouvoir, taire l’information essentielle afin de conserver une quelconque suprématie.

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La pièce de Koltès est là, offerte au public dans ses dédales de possibilités.
Le comédien Jean Leloup habite avec un immense talent un être complexe, confronté à ce qu’il peut, qu’il doit, qu’il ne peut, qu’il ne doit faire sous peine de devenir l’obligé de l’autre. Il connaît si bien son texte, il a tant travaillé mimiques et gestuelle qu’il s’en libère en un éclair, dès ses premières respirations sur les planches, pour fondre en ce colon face à cette femme de couleur, à l’orée d’un conflit. Tandis que Tella Kpomahou à la fois rebelle, sauvage et prête à en découdre, quelle qu’en soit la forme et le prix, se révèle la grande prêtresse de ce bal-duel où aucun d’eux ne rendra finalement les armes.

La pièce, créée en 1987 semble se prêter à tous les temps
et à toutes les actualités sur cette terre de dualité où s’affrontent le jour et la nuit, la violence et la paix, les pauvres et riches, la parole et le silence, l’information et la profusion c’est-à-dire la non-information, l’homme et la femme dans un pays d’Afrique à l’aube d’un conflit. La mise en scène de Laurent Rochut est péchue, vivante, proposant aux acteurs de se frotter à cet exercice de style, à donner du corps et de la substance à ce qui pourrait sembler n’être qu’une posture intellectuelle. Les deux comédiens goûtent avec volupté au danger, prêtant au texte leur force de conviction et lui donnant sa plus belle dimension.

Les infos pratiques
Dans la solitude des Champs de coton. A la Chapelle des Antonins, 5, rue Figuière à Avignon. La pièce qui a joué chaque jour complet était proposée du 7 au 16 juillet 2023.

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