Les Chorégies d’Orange ont présenté ‘Ballet for life’, l’ode de Maurice Béjart au groupe de rock britannique Queen dont le leader Freddie Mercury est mort du Sida en 1991 ce qui est aussi le cas de Jorge Donn, le soliste du Béjart ballet Lausanne disparu en 1992.
Sur scène 37 danseurs célèbrent la jeunesse et la vie face à l’ombre de la mort inoculée par l’amour. Les corps diaphanes et musclés créent un autre univers sur la musique de Queen entrecoupée d’œuvres de Mozart. Le spectacle se déroule sous les yeux de milliers de spectateurs moins serrés qu’à l’accoutumée pour cause de pass sanitaire.
Ambiance
Nous sommes à la tombée de la nuit. Les hôtes les plus jeunes, assis sur les gradins de pierres chaudes de la journée caniculaire, scandent les paroles de Queen qu’ils connaissent par cœur et rythment la musique de leurs mains. Si la majorité de la population n’est pas de la première jeunesse, des familles de plusieurs générations se sont installé sourire aux lèvres. Jean-Louis Grinda, le directeur des Chorégies d’Orange, l’avait affirmé lors de son arrivée, en 2016, pour être pérenne le plus ancien théâtre lyrique du monde –qui a fêté ses 150 ans- doit élargir sa programmation pour continuer à fidéliser ses invités –qui s’évanouissaient d’année en année- et en séduire de nouveaux, plus jeunes, tournés vers d’autres styles et exigences.
Les plus grands danseurs du monde
Sur scène le gratin des danseurs du monde entier. Si légers, aériens, graciles qu’ils semblent faire partie d’une autre planète. Pourtant le propos est fort. Car Béjart parle d’hommes et de femmes couchés sous des draps, des corps tordus par la douleur, la maladie, puis laissés sans vie sur des brancards que l’on porte à la morgue. Mais avant tout cela il veut surtout conter les routines du quotidien, les parenthèses enchantées, les rencontres amoureuses, bref, célébrer la vie, les rencontres et l’amour.
Sur la scène illuminée, il y a…
Des mariées en blanc, des veuves en noir, des anges font leur apparition, avec ou sans ailes, issus d’un ailleurs éthéré. Souvent, Freddie Mercury fait son apparition sur scène tantôt mâle, tantôt drag-queen. Des hommes dansent aussi sur des chaussures-plate-forme. Des corps se massent dans des pièces exiguës. Des couples dansent mimant un tango. Au fil des minutes qui s’écoulent les spectateurs sont happés par un scénario à plusieurs strates, lectures, symboles, comme toujours avec Béjart. Car pour tout comprendre, il faudrait revoir cette œuvre de nombreuses fois ou se la laisser expliquer par des aficionados. Mais qu’importe puisque le néophyte et l’amateur sont assis côte à côte, chacun y découvrant l’extraordinaire.
Hommage à Jorge Donn
Et puis, en fin de spectacle, Jorge Donn apparaît sur grand écran dans une onirique chorégraphie. Toute la troupe venue incarner ‘Le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat’ s’est assise en tailleur face aux spectateurs tandis que, derrière elle, se déroule le film d’un immense danseur mort à 45 ans du sida. Jorge Donn revient à la vie avec son visage d’ange et un corps sculpté par l’effort et la précision du mouvement sans cesse répété. Le moment est à la fois joyeux, solennel et émouvant. Il est ramené à la vie, dans sa gloire, à chaque fois que l’œuvre de Béjart est donnée, signe de la reconnaissance du chorégraphe au danseur vedette. Puis, surgissant des ténèbres, les danseurs habillés de blanc rejoignent avec affection Gil Roman, le successeur de Maurice Béjart qu’il avait lui-même désigné. C’était en 2007. Les artistes sont acclamés. Magique.
Dans le détail
‘Le presbytère n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat’ (1907) est une citation de Gaston Leroux dans l’ouvrage ‘Le mystère de la chambre jaune’, qui prend sa source chez George Sand dans Lettres à Marcie ‘Le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat’ (1835). Ballet for life ‘Le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat’. Chorégraphie de Maurice Béjart. Costumes de Gianni Versace. Béjart ballet Lausanne. Directeur artistique Gil Roman. Donné pour la 1re fois à Lausanne en 1996.
‘Ballet for life’, a été donné par le Béjart ballet Lausanne aux Chorégies d’Orange le 22 juillet 2021.