Baissez le chauffage, éteignez les lumières, faites du vélo, portez des cols roulés… Même si ces injonctions semblent partir d’une bonne intention, la façon dont on s’adresse à nous est, aujourd’hui, devenue juste insupportable. Une infantilisation qui tourne au tragi-comique. Mais quelle mouche a piqué ceux qui nous gouvernent ?
Je suis certainement pas le seul à être profondément irrité par cette façon dont on nous intime continuellement de faire ceci ou cela, comme si nous n’étions pas suffisamment intelligent pour comprendre de nous-même que si on réduit la température de son chauffage on consommera moins. L’État qui se veut protecteur nous place dans la position d’imbéciles décervelés. C’est d’autant plus insupportable que ces injonctions ne sont évidemment destinées qu’aux simples manants que nous sommes. Quant à leurs applications par ceux qui les profèrent je vous laisse voir…
En d’autres temps, les marxistes appelaient cela le mépris de classe
Le pire n’étant jamais certain, il a été atteint par le ministre de l’économie et des finances qui, devant les caméras, il y a quelques semaines, s’est affublé d’un pull à col roulé, histoire de nous montrer la voie et d’apporter la solution face à l’envolée des prix de l’énergie. En « même temps », à la question qui lui était posée face aux marges insolentes dégagées par les compagnies pétrolières, il a répondu qu’il ne savait pas définir les supers profits. Étonnant pour un ministre, de surcroît de l’économie, alors que nous, simples ignorants nous saurons bien l’aider dans cette tâche difficile.
Tel le démiurge de nos consciences ce ministre, comme d’autres d’ailleurs, s’est érigé en modèle sûr de son influence sur le bon peuple ignorant tout du bon sens et de la sagesse. Cette attitude en dit long sur la manière dont ceux que nous avons élu pour nous représenter, temporairement rappelons-le, nous considèrent. En d’autres temps, les marxistes appelaient cela le mépris de classe.
Aujourd’hui, il semblerait bien que le rôle premier des gouvernants est de communiquer. L’important est de montrer qu’on est présent et qu’on agit. Mais en fait on réagit plus qu’on agit. En pareilles circonstances, la phrase du regretté Coluche n’en finit pas d’être d’actualité : « Dites-moi ce dont vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer ».
Sommes-nous devenus des êtres stupides et incultes ?
En 1974, après le premier choc pétrolier le gouvernement, qui incitait aux économies d’énergie lançait ce slogan : « en France on a pas de pétrole mais on a des idées ». A cette époque pourtant difficile (le prix du pétrole a été multiplié par 4) on pariait sur l’intelligence des français. Sommes-nous, depuis, devenus des êtres stupides et incultes ?
Les gouvernants n’ont pas malheureusement l’exclusivité de ces injonctions sociales. Avec la crise du Covid, certains d’entre nous se sont érigés en gardien de règles sanitaires inspirées de la Corée du Nord, délaissant totalement le moindre petit signe de politesse, de respect ou de bienveillance. L’absence de tempérance et de raison gardée induit par un discours volontairement anxiogène – « nous sommes en guerre »- a permis à certains d’entre nous de laisser parler leurs penchants autoritaires et d’oublier quelques règles fondamentales du savoir-vivre ensemble.
Ce qui se cache derrière ces injonctions c’est la culpabilisation. Celle d’être un pollueur si on roule en diesel (alors qu’on a tout fait pour vous inciter à en acheter), d’être un mauvais citoyen si on ne coupe sa box la nuit ou si on ne se vaccine pas. Je dis stop. Mettons à profit ce début d’année et les bonnes résolutions qui y sont associées pour nous interroger sur tout cela et ne pas être de simples spectateurs consentants.
A ces injonctions permanentes je préfère et de loin les injonctions paradoxales, dont celle issue de mai 68 qui disait : « soyons réalistes demandons l’impossible ».
Bonne année à tous.