6 Français sur 10 ne croient pas que la voiture électrique remplacera complètement un jour les voitures thermiques. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude de l’Observatoire Cetelem.
Pendant des années, presque depuis son origine, le secteur automobile s’est développé sans que rien ou presque ne vienne contrarier sa croissance et son succès. Et puis les contraintes, notamment environnementales au sens large du terme, ont pris de l’épaisseur ; l’électricité a été choisie par les pouvoirs publics comme énergie unique pour faire rouler la voiture de demain ; et les crises financière, économique et géopolitique se sont superposées en un rien de temps. Alors que les automobilistes sont en perte de repères, ne savent plus vraiment à quelle marque se vouer, soupèsent la pertinence du passage à l’électricité, l’Observatoire Cetelem de l’Automobile révèle des points de vue contrastés, parfois étonnants, parfois inquiétants mais qui éclairent sur la nécessité de voir se dissiper au plus vite ce brouillard qui pourrait à terme pénaliser tout le monde.
ZFE et réglementations riment avec confusion et scepticisme
L’inflation, toujours forte dans la plupart des pays, contribue à perturber la perception économique des automobilistes. Ainsi marqués par les récentes hausses des tarifs, plus de trois quarts d’entre eux (76%) s’inquiètent de la hausse des prix des voitures neuves dans les 5 prochaines années et ils sont 4 sur 10 à juger que la hausse possible du coût de l’énergie est un frein à l’achat.
Concernant les Zones à faibles émissions (ZFE), si plus de 7 personnes sur 10 (73%) en connaissent l’existence, seulement un tiers (34%) voit précisément ce dont il s’agit, une part qui est néanmoins plus importante chez les Français (48%). Un flou qui s’accentue lorsqu’il s’agit de se projeter dans le futur puisque près d’un automobiliste sur 2 (48%) ne sait pas si des ZFE seront mises en place dans son pays
Si 66% des personnes interrogées pensent que les ZFE sont une bonne mesure, dans les pays où elles sont implantées, comme la France et la Belgique, elles y comptent 50% de réfractaires. En outre, selon 8 personnes sur 10, cette mesure est jugée comme injuste pour les ménages aux faibles revenus qui ne seront pas en mesure de remplacer leur véhicule. Enfin, près de 6 personnes sur 10 (57%) poussent le raisonnement à son extrême en estimant que les ZFE sont irréalistes et espèrent qu’elles ne verront jamais le jour. L’esprit contestataire (et réfractaire) français reste vivace puisqu’un sur 2 persistera à circuler dans les ZFE au volant de son véhicule banni, un esprit de révolte également partagé par les Allemands.
La confusion, associée au scepticisme, règne donc au sujet des ZFE. Il en est de même, voire davantage, à propos des réglementations concernant les motorisations. En effet, seulement la moitié des consommateurs (49%) est au courant de l’interdiction de la vente des véhicules thermiques (essence, gazole, hybride) dans 10 à 15 ans pour lutter contre la pollution de l’air.
Comme pour les ZFE, la principale critique porte sur une injustice non pas collective, mais associée à l’individu ou à la sphère familiale avec près de 8 personnes sur 10 (78%) qui soulignent que les ménages seraient les premiers pénalisés en ne pouvant pas revendre leur véhicule thermique avec comme conséquence l’impossibilité se déplacer. C’est à nouveau en France (85%), mais aussi en Belgique (83%), que cette injustice est la plus fortement ressentie.
Alors que les mesures les plus coercitives, au moins en Europe, ne se profilent pas avant 2035, 7 automobilistes sur 10 estiment cependant que le calendrier de leur mise en œuvre est trop resserré. Français (75%) et Belges (74%) vilipendent ce manque de temps, rejoints par les Espagnols (72%). Dans un même élan, ils sont 6 sur 10 (61%) à pointer l’irréalisme de cette réglementation qui ne devrait pas voir le jour ou qui devrait être annulée selon eux, ainsi que leur inefficacité pour lutter contre la pollution (57%). Néanmoins, plus de 6 personnes sur 10 (63%) pensent que c’est une bonne mesure, la moitié d’entre eux affirment même qu’elle est insuffisante (55%).
La voiture électrique joue les premiers rôles…mais pose question
Malgré un contexte économique tendu et le durcissement des réglementations, majoritairement, un monde sans voiture n’est pas envisagé. Seulement 1 personne sur 5 (20%) estime que demain sa place sera moins importante qu’aujourd’hui, des opinions exprimées surtout en Europe (22%), et particulièrement en France (29 %).
72% des Français pensent que le progrès technologique fera émerger une voiture plus vertueuse, mais seuls 4 d’entre eux sur 10 (41% contre 67% au niveau monde) voient dans le véhicule électrique son incarnation et qui, à terme, va complètement remplacer la voiture thermique (38% contre 54% dans le monde).
Pour la première fois, les véhicules électriques arrivent en tête des intentions d’achat. Ainsi, ceux qui souhaitent acheter une voiture sont plus d’un sur 3 (32%) à envisager de choisir une motorisation électrique. En ajoutant à ce chiffre celui des acheteurs déclaratifs de voitures hybrides, rechargeables (25%) ou non (16%), il s’agit d’une vraie bascule du marché. A noter que la France est le pays avec la Belgique, l’Autriche, et la Pologne où les intentions d’achat d’un véhicule électrique sont les moins affirmées (aux alentours de 20%). Comme toujours, le blocage est d’abord économique : pour près de la moitié des personnes interrogées (48%), le prix d’un véhicule électrique est trop élevé, avec surtout les Néerlandais (62%) et les Français (53%) pour le souligner. Viennent ensuite les craintes de rencontrer des difficultés pour recharger son véhicule (36%), et que l’autonomie de celui-ci soit trop limitée par rapport à leurs besoins (31%), cette préoccupation est particulièrement importante chez les Français (42%).
La problématique du coût ne se limite pas au seul achat, mais s’étend aussi à l’usage du véhicule électrique. Confrontés à l’augmentation récente, et potentiellement future, du prix de l’électricité, les automobilistes s’interrogent. Les trois quarts d’entre eux (74%, et 77% des Français) voient dans cette perspective un usage plus coûteux que celui d’un véhicule doté d’une motorisation traditionnelle. Plus encore que la prééminence programmée du véhicule électrique, les automobilistes remettent en cause son utilisation en raison d’une production énergétique qu’ils prévoient insuffisante. Sans doute sous l’influence évidente de la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, plus de 6 Européens sur 10 (62%) et plus de 7 Français sur 10 (71%) affichent ce point de vue.
Pour passer du thermique à l’électrique, 8 personnes interrogées sur 10 (79%) jugent indispensable le versement d’aides par les pouvoirs publics. Or, un peu plus de la moitié des automobilistes (54%) ne savent pas s’il en existe dans leur pays et ils sont plus de 7 sur 10 (72%) à les trouver trop confuses. Français (80%) et Polonais (79%) sont les plus nombreux à dénoncer cette complexité souvent d’ordre administratif.
Véhicule électrique : la Chine contre le reste du monde
Avec plus de 20 marques qui ont vu le jour en un peu plus de 20 ans, le marché chinois et de ses marques connaissent une croissance exponentielle. Pourtant, il souffre d’un déficit d’image. En effet, un peu moins d’1 sondé sur 2 et moins de 4 Français sur 10 (39%) ont une opinion favorable des marques du premier pays constructeur mondial. A l’opposé avec 90% des personnes interrogées qui en ont une bonne opinion, les marques européennes jouissent d’une cote impressionnante, eu égard notamment à leur antériorité sur l’ensemble des marchés.
A la question de savoir si les automobilistes sont prêts à les acheter, là aussi une préférence est accordée aux marques européennes pour un peu plus de 8 personnes interrogées sur 10. Les marques chinoises continuent de fermer la marche, avec 4 personnes sur 10, et près de 3 Français sur 10 (28%) prêts à acheter un de leurs modèles.
« Cette nouvelle édition de l’Observatoire Cetelem montre que les automobilistes sont dans l’expectative à maints égards, jusqu’à faire preuve de suspicion et de scepticisme. Il appartient à nombre de constructeurs de clarifier leur politique industrielle et commerciale, ainsi que leur communication, afin de ne pas subir définitivement une concurrence qui a souvent un temps d’avance sur la question électrique. De même qu’il revient aux pouvoirs publics d’adopter une ligne claire et stable, sans atermoiement, pour faciliter la transition énergétique du monde automobile. » conclut Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem.
*Méthodologie : Les analyses économiques et marketing ainsi que les prévisions ont été réalisées en partenariat avec la société d’études et de conseil C-Ways spécialiste du Marketing d’Anticipation. Les terrains de l’enquête consommateurs quantitative ont été conduits par Toluna Harris Interactive du 28 juin au 17 juillet 2023 dans 16 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Chine, Espagne, États-Unis, France, Italie, Japon, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni et Turquie. Au total, 15 000 personnes ont été interrogées en ligne (mode de recueil CAWI). Ces personnes âgées de 18 à 65 ans sont issues d’échantillons nationaux représentatifs de chaque pays. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas (sexe, âge). 3 000 interviews ont été réalisées en France et 800 dans chacun des autres pays.