22 décembre 2024 | Le Doliprane donne le tournis

Ecrit par Didier Bailleux le 23 octobre 2024

Le Doliprane donne le tournis

Le Doliprane, un des fleurons de l’industrie pharmaceutique française va passer sous pavillon US. Sanofi, le géant français du médicament va céder une participation majoritaire de 50 % au fond américain Clayton Dubilier & Rice (CD & R). Cette opération financière, la plus grosse acquisition par emprunt de l’année (8,65 milliards d’euros) a de quoi interroger. La finance sera-t-elle toujours plus forte que la santé ? N’y a-t-il pas là un risque pour notre souveraineté sanitaire, déjà bien mise en mal ?

« La finance sera-t-elle toujours plus forte que la santé ? »

Élaboré par le pharmacien français Henri Bottu au début des années 60, le Doliprane est le médicament le plus consommé en France. 400 millions de boites y sont vendues chaque année. Et la France ne pèse que pour 10 % dans l’activité d’Opella, la filiale de Sanofi qui produit le Doliprane aux côtés d’une quinzaine d’autres médicaments. Avec un CA de 5,2 milliards d’euros Opella est numéro 3 mondial des médicaments sans ordonnance. La société revendique de répondre aux besoins de plus d’un demi-milliard de patients-consommateurs dans le monde. En d’autres termes, il s’agit là d’une vraie pépite (au propre comme au figuré) qui ne pouvait que susciter la convoitise.

« Faire de la France la première nation européenne et souveraine en matière de santé »

Business is business. Sauf que là, le sujet est sensible. On a tous en mémoire les difficultés d’approvisionnement en paracétamol pendant la première crise du Covid en mars 2020. On pourra aussi se souvenir des déclarations du Président de la République, en 2021, qui avait fixé comme objectif de faire de la France la première nation européenne et souveraine en matière de santé (réunion du conseil stratégique des industries de santé 2021). En février 2024, pour lutter contre la pénurie de certains médicaments le gouvernement avait annoncé un nouveau train de mesures. Cette feuille de route qui engageait plusieurs ministères devait également permettre de renforcer la souveraineté de notre pays dans ce domaine. Tout cela semble bien peu de chose face à la puissance de la finance internationale.

Cette opération qui devait être à l’origine une cession de parts devient alors un accord tripartite

En réponse aux inquiétudes de l’opinion publique et d’une grande partie de la classe politique nationale, la BPI (Banque Publique d’Investissements) a été appelé à rescousse pour s’inviter au board de l’entreprise moyennant une prise de participation de 2 %. Histoire de pouvoir être associé aux devenirs de l’entreprise. Cette opération qui devait être à l’origine une cession de parts devient alors un accord tripartite où Opella s’engage à maintenir les sites de productions en France et à y investir en développement 70 M€, mais uniquement sur une période de 5 ans. Quid après ?

On appelle cela aussi la technique de la vache à lait

Cette opération financière, qualifiée par le quotidien Les Echos de « deal de l’année » pour les 22 banques d’affaires qui y sont associées, est réalisée sous forme de LBO (Leveraged buy-out – rachat avec effet de levier). Une technique de financement qui consiste à acheter une entreprise en l’endettant. Le remboursement de la dette se fait alors sur « l’optimisation de son activité » : augmentation de la productivité, des prix, la réduction de ses coûts… et tout cela sur pression des financiers. On appelle cela aussi la technique de la vache à lait. On est loin des considérations thérapeutiques du pharmacien du Calvados qui mis au point cet antalgique au début des années 60…

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