Chercheuse postdoctorale en astrochimie, Adeline Garcia a quitté le village de Cucuron, où elle a grandi, pour suivre une carrière scientifique à Marseille. Ce mercredi 9 octobre, elle et 34 autres chercheuses françaises recevront le Prix Jeunes Talents L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science. Elle succède aux Vauclusiennes Maëlle Bellec, originaire d’Apt et Nour Skaf, originaire de Robion, lauréate en 2021.
Ce mercredi 9 octobre, la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’Unesco, va remettre, pour la 18ᵉ année consécutive, le Prix Jeunes Talents France 2024 L’Oréal-Unesco pour les Femmes et la Science à 35 doctorantes et post-doctorantes.
Ces femmes qui œuvrent pour la science sont réparties dans 6 groupes :
- Analyser, anticiper et prédire
- Biodiversité, écologie et changement climatique
- Espace, origines de l’univers et de la vie et physique atomique
- Intelligence Artificielle et données au service du bien commun
- Mutations génétiques, cancers et immunité
- Santé des femmes, pédiatrie et santé des jeunes adultes
Une Vauclusienne parmi les lauréates
Parmi les 35 lauréates, une a grandi à Cucuron en Vaucluse. Il s’agit d’Adeline Garcia, qui est chercheuse postdoctorale en astrochimie à Aix-Marseille Université, et qui ainsi, appartient au groupe sur la thématique de l’espace, qui compte quatre lauréates. « Je suis chimiste et actuellement, je suis en postdoctorat dans un laboratoire PIM (Physique des interactions ioniques et moléculaires), dans l’équipe astro », explique Adeline.
La thématique de son équipe est l’astrochimie et elle questionne l’origine de la vie. « On essaye de comprendre l’origine et l’évolution de la matière lors de la formation de notre système solaire pour comprendre quelle matière était présente sur Terre au début et laquelle aurait pu participer à l’émergence de la vie sur Terre », ajoute la Vauclusienne. Pour avancer dans ses recherches, Adeline va développer de nouvelles méthodes d’analyse ou de préparation d’échantillons, comme des météorites par exemple, pour pouvoir déterminer de la façon la plus complète possible quelle est la matière qui est présente dans ce corps extraterrestre.
Un handicap qui est devenu une force
Lorsqu’elle est née, Adeline était malentendante. Atteinte du Syndrome de Pendred, qui est une maladie génétique caractérisée par une perte d’audition, elle a perdu la totalité de ses facultés auditives à l’âge de 20 ans. Elle est donc aujourd’hui considérée comme sourde profonde. Si son handicap lui a apporté de nombreuses difficultés durant sa scolarité, la chercheuse a su faire preuve de détermination pour en arriver là où elle est aujourd’hui. « Ça a été très compliqué par moment, mais heureusement, ma famille a toujours été derrière moi et m’a toujours poussée », affirme Adeline avec reconnaissance.
Au fil de ses études, malgré les obstacles que peut entraîner un handicap, la Cucuronnaise a su arriver à ses fins. « Avec l’aide que l’université apporte maintenant, les nouvelles technologies et surtout certains enseignants que j’ai eus qui ont été extraordinaires, je pense que ça m’a beaucoup boosté et j’avais vraiment envie de prouver que je pouvais y arriver comme n’importe qui », ajoute-t-elle.
Une femme dans un milieu masculin
En plus de son handicap, Adeline Garcia, au même titre que les 34 autres lauréates du Prix Jeunes Talents L’Oréal-Unesco, a été confrontée à une autre difficulté : le fait d’être une femme dans un milieu majoritairement masculin. Selon l’Unesco, les femmes représentent seulement 29% des chercheurs en France contre 33% au niveau mondial, et moins de 4% des prix Nobel scientifiques ont été décernés à des femmes dans le monde. « En parlant avec les autres lauréates, on s’est rendu compte qu’on a toutes été confrontées au sexisme à un moment de notre scolarité ou de notre carrière », déplore Adeline.
Si les choses semblent aujourd’hui évoluer dans le bon sens, on est encore loin de l’égalité homme-femme dans le milieu scientifique. C’est pour cela qu’Adeline souhaite encourager les jeunes filles qui le souhaitent à prendre cette voie-là, parce que le milieu scientifique a besoin d’un regard féminin, selon elle, qui peut être différent, mais complémentaire à ce qu’il se fait déjà, ne serait-ce que pour apporter une nouvelle perception et approche de la recherche. « Il faut profiter de cette évolution qui est en train de se mettre en place, ajoute-t-elle. J’aimerais motiver les jeunes de manière globale, que ce soit des jeunes filles, des personnes en situation de handicap ou des personnes issues de milieux défavorisés ou de milieux ruraux comme moi, à poursuivre leurs rêves, même si ça peut paraître difficile. »
Le syndrome de l’imposteur
Selon une enquête réalisée par l’association Elles Bougent, 50% des étudiantes en formation scientifique et technique ressentent le sentiment de ne pas être à leur place. Adeline, elle, de par son handicap, mais aussi par le fait d’être une femme, a beaucoup douté d’elle et a aussi été victime du syndrome de l’imposteur.
À l’origine, Adeline avait pour objectif d’arrêter après sa licence, ne se pensant pas capable de faire un master et un doctorat. C’est après avoir assisté à une conférence donnée par la petite-fille de Marie Curie qu’elle a décidé d’aller plus loin. « Avec toutes les difficultés que c’était d’être une femme à l’époque elle a réussi, alors je me suis dit ‘pourquoi moi, je n’y arriverais pas aujourd’hui ?’, ajoute-t-elle.
Le Prix Jeunes Talents L’Oréal-Unesco
Après avoir été encouragée par quelques personnes de son entourage, dont son directeur de thèse, et malgré son sentiment d’illégitimité, la scientifique vauclusienne a décidé de candidater pour le Prix Jeunes Talents 2024 L’Oréal-Unesco, un prix créé il y a 18 ans pour valoriser de jeunes chercheuses prometteuses et accélérer leur carrière. Sur près de 800 candidatures, 35 ont été retenues, dont celle d’Adeline Garcia qui représentera et fera rayonner le Vaucluse, mais aussi le village de Cucuron, lors de la cérémonie de remise des prix ce mercredi 9 octobre à Paris.
Grâce à l’obtention de ce prix, Adeline va pouvoir agrandir son réseau de femmes scientifiques, représenter un exemple pour les jeunes filles qui souhaitent se diriger vers des études scientifiques. Elle va pouvoir également intervenir dans divers établissements scolaires pour partager son parcours et peut-être susciter des vocations. « La suite pour moi, c’est de poursuivre mes recherches, conclut Adeline Garcia. Dans l’idéal, ça serait de pouvoir candidater pour essayer d’avoir un morceau d’astéroïde pour l’analyser, ce qui est très rare et très novateur. Pour le moment il n’y en a eu que deux missions de retour d’échantillon de ce type, une faite par la Nasa (agence spatiale américaine) et une autre par la Jaxa (agence d’exploration aérospatiale japonaise). »