«Nous sommes mardi 28 avril et je suis à la télévision l’annonce du plan de déconfinement, le débat et le vote qui ont lieu à l’Assemblée nationale ». Maeva Desormeaux, 24 ans, réside à Cavaillon. Postée devant la télévision à l’occasion de l’annonce du plan de déconfinement, attentive aux discours en ces temps exceptionnels de confinement dus à la pandémie du Coronavirus-Covid-19, elle livre ses réflexions.
«Après le Covid-19 la chance d’un renouveau ? »
«Il est d’une simplicité enfantine de pointer du doigt l’erreur de l’autre. Nombreux sont les esprits commentateurs qui auraient su faire autrement. Je suis peut-être naïve de positivité mais il me semble que nous traversons l’inconnu et que, par définition, nul n’est capable de l’affronter seul et confiant.
Le français cultive depuis des siècles une aspiration contestataire. Nous sommes connus pour râler et aucun d’entre nous n’oserait dire le contraire. Cette culture nous a valu un patrimoine historique dont nous pouvons être fiers : nous révolutionnaires, nous la résistance, nous Gaullistes, grévistes ou gilets jaunes…”
Ego versus humilité
Et si nous mettions plutôt notre énorme égo et notre fierté tenace un peu à l’écart et que nous fassions preuve d’humilité et de bon sens : sommes-nous capables de constater qu’aucun de nos gouvernements ne nous ait jamais ou du moins très rarement satisfais ? N’est-il pas vrai que nous sommes doués pour faire jaillir au grand jour et exacerber la moindre lacune ? Il est contradictoire d’être à la fois capable de grandes oeuvres par la force de notre cohésion et en même temps doué dans l’art d’accabler l’autre, de dénoncer et de juger et donc de diviser. Personne n’est parfait, c’est un fait. Tout le monde essaie de l’être, de faire au mieux, parfois dans un strict intérêt égoïstement personnel, parfois dans un élan d’altruisme. Toutes ces vérités humaines, nous permettent de nous rappeler que nos gouvernants (que nous avons élus et placés à ce rang, rappelons-le…) ne sont autre que des Hommes qui essaient de faire au mieux. Reste à savoir s’ils le font dans leur propre intérêt ou celui d’autrui. C’est dans ce questionnement que reposent absolument tous nos doutes. Personne n’est à même de savoir si nos ministres et autres gouvernants sont de bonne volonté ou s’ils nous manipulent effrontément et continuellement. De même que vous ne savez pas si la personne assise à côté de vous ou vivant au coin de la rue n’est pas en réalité un serial-killer recherché par Interpol. Soit. A défaut d’omniscience, il est donc juste de faire preuve de confiance peut-être aveugle et de pardon dans le cas où cette confiance aurait été bafouée par le passé ; ce qui est le cas pour une grande majorité d’entre nous.»
Crise sanitaire et de conscience ?
«Cette période de crise sanitaire inédite, nous pousse dans nos retranchements. Nous sommes confinés, cloîtrés dans nos logements inégalement confortables pour certains, invivables pour d’autres. Nous sommes coupés de nos vies sociales auxquelles nous sommes tant attachés ; coupés de nos familles, nos proches, nos aïeuls ; coupés de nos activités, nos loisirs, nos sorties etc. pour de malheureuses bonnes raisons. Plus d’un mois et demi de privation, c’est aujourd’hui un magnifique témoignage de solidarité que nous réalisons face à cette épreuve et ce n’est qu’une première étape.
L’ennemi commun, qui nous accable par sa complexité, est si inconnu, que nous devrons redoubler de patience. Oui, nous en avons déjà usé beaucoup de cette patience ; oui, nous avons énormément pris sur nous et nous avons même su rebondir et positiver face à cela, en faisant preuve de créativité, de soutien, et ironiquement de contact humain ; mais nous sommes nous aussi, auteurs de quelques incivilités.”
« Errare humanum est, perseverare diabolicum. » Cette foutue crise sonne comme un avertissement karmique, libre à nous d’en tirer la chance d’un renouveau.»
Nos élus
«Nos élus font parfois d’énormes bêtises et ne cessent, ces derniers temps, de se contredire. Mais au-delà du jugement vicieux d’une possible conspiration à nos égards, sachons y voir des hommes et des femmes eux aussi confinés, parfois loin de leurs proches pour remplir pleinement leurs fonctions ; sachons y déceler la fatigue et le stress qui les guettent tout autant depuis des semaines, même des mois. Oui, ils et elles sont parfois vides de bon sens et souvent emplis de mauvaise foi. Oui, sans doute nous mentent-ils souvent dans une stratégie de communication peut-être malhonnête, peut-être bienveillante.»
Vaincre en étant solidaires
«Personnellement, je n’éprouve aucune reconnaissance ni ressentiment envers ces personnes mais je dois dire que cet après-midi, après avoir englouti, tant bien que mal, 5 longues heures de débat, je ne me suis pas sentie bernée. J’ai senti qu’au-delà des blablas oratoires et que derrière ce théâtre bonimenteur, un message unanime était diffusé et partagé, celui de l’unité, de la solidarité et du vaincre ensemble. Cet après-midi, malgré beaucoup de maladresses et un cadre de vote quelque peu douteux, ce fameux plan qui nous a été exposé, se présente comme le sommaire d’un long travail d’équipe que nous allons devoir mener tous ! Malgré de sombres décisions exécutives, malgré la dissimulation politique omniprésente et les vices bien connus de ce type d’activité ; malgré la marionnettisation de ces hommes et femmes merchandisés et la mise en scène marketing de notre république 2.0, le temps est à l’unité. Un peuple a besoin de son gouvernement, de même que le gouvernant a besoin de son peuple. Aujourd’hui, le gouvernement fait appel aux acteurs locaux, à nos maires et préfets, à nos associations d’actions territoriales et à tous ceux qui le veulent ; à ajuster, modifier et exécuter ces mesures de déconfinement.”
Livrés à nous-mêmes
«Nous avons été livrés à nous-mêmes face à tant d’incertitudes et nous avons su nous acclimater ; nous sommes déjà acteurs, continuons de l’être. La contestation ne nous mènerait à rien, si ce n’est à la division et nous perdrions un temps précieux. Toutes les failles de notre Etat, et même de notre monde, qui ont été mises en lumières au cours de ces dernières semaines peuvent être évités. Cet évènement planétaire met incontestablement à l’épreuve nos enjeux les plus chers qu’ils soient sanitaires, sociaux, démocratiques, pédagogiques, éthiques, économiques, écologiques, politiques ; tout est passé au crible. Nous reprochons unanimement un manque de courage chez nos élus qui naviguent à vue mais en faisons-nous preuve ? L’audace ne serait-elle pas de saisir l’opportunité de poser un bilan et de nous questionner au sujet de chacun de ces enjeux ? L’audace ne serait-elle pas de revoir nos modes de vie ?
Maeva Desormeaux