Ce chanteur iconoclaste, vient de décéder à Avignon à l’âge de 83 ans.
A coup sûr, les moins de 60 ans ne le connaissaient pas. Pourtant, il avait décroché le Grand Prix de l’Académie du Disque « Charles Cros » en 1965, il avait chanté en 1ère partie de Juliette Gréco à l’Olympia, d’Isabelle Aubret et de Félix Leclerc en 68 et de Gorges Brassens en 72, à Bobino, c’est dire!
Provocateur, anti-conformiste, impétueux, cet auteur-compositeur-interprète d’origine arménienne, tirait à boulets rouges contre certains travers de la société, la beaufitude, la bien-pensance, l’armée, le clergé, les bourgeois, les medias. Adepte de Verlaine, Baudelaire ou Rimbaud, compagnon de route de Léo Ferré et d’Anne Sylvestre, engagé et enragé, il passait des coups de griffes aux coups de coeur avec volupté et tendresse.
Peu invité à la radio comme à la TV, Henri Tachan se félicitait : « J’ai commencé sous de Gaulle, continué sous Pompidou, perduré sous VGE et sous Mitterrand, j’ai carrément été ignoré. C’était chouette, finalement, la censure, t’avais un ennemi. Aujourd’hui, je ne sais pas à qui m’adresser? Les multinationales? Big brother? » Certains, aujourd’hui, ajouteraient sans doute : « Bolloré? »
Il suffit de lire quelques hommages que lui ont rendu ses pairs, à l’époque, pour voir quelle place il occupait dans la chanson française. Brel, par exemple : « Le lion est lâché, écoutez-le rugir. Il rugira fort et longtemps ». Serge Reggiani : « J’aime Tachan, insolent, triomphant. Il cogne, il mord, il ravage, il saccage, il poignarde en plein coeur. Il aime, je l’aime ». Frédéric Dard : « Tachan est un remède contre les larmes. Lorsqu’il déboule sur scène, petit et noir, étincelant comme une cassure d’anthracite, le front buté, déjà en sueur, écumant, j’ai chaque fois l’impression de voir surgir un tourbillon, fou furieux avant-même sa sortie du toril ».
Andrée Brunetti