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Elisabeth Doan, sommelière à Châteauneuf-du-Pape, vient de recevoir le titre de Maître-Sommelier 2024

Elisabeth Doan. DR

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Elisabeth Doan fait partie des huit Maîtres-Sommeliers distingués en France en 2024, une reconnaissance pour celle qui a fui la Guerre du Vietnam.

C’est à Collonges-au-Mont-d’Or, dans la tanière étoilée de Paul Bocuse, le pape de la Gastronomie, près de Lyon, qu’a eu lieu la cérémonie. Et c’est le président des Sommeliers de France, Fabrice Sommier, (qu’on a vu cet été pour révéler sa carte des vins au Mercure du Pont d’Avignon), qui a remis le diplôme et la Grappe d’Or à la néo-vauclusienne Elisabeth Doan. Dans cet établissement légendaire de l’excellence française, elle n’était pas peu fière, elle qui officie aujourd’hui à l’Hostellerie du Château des Fines Roches à Châteauneuf-du-Pape. 

Mais avant d’en arriver là, sa vie a été un véritable parcours du combattant. Née à Saïgon, elle fuit les bombes et la Guerre du Vietnam et débarque au Foyer Sonacotra du Pontet, pas loin de Réalpanier, avec sa maman qui, pour survivre, travaille comme gouvernante à Carpentras. Ensuite, elle entre au Collège Alphonse Daudet, mais comme elle ne parle pas un mot de français, elle est la risée de ses camarades. Mais elle serre les poings, relève la tête et se bat. Elle arrive en 3ᵉ et obtient le BEPC d’office.

Ses débuts dans l’hôtellerie-restauration

Comme son beau-père avait plusieurs restaurants vietnamiens dans le centre d’Avignon, dont un Place des Châtaignes à deux pas du Palais des Papes, elle commence dans la restauration alors que son rêve était de devenir avocate. Mais une enseignante lui avait rétorqué sèchement : « Une étrangère ? Vous n’y pensez pas. C’est inadmissible. » Elisabeth Doan change son fusil d’épaule, souhaite intégrer une école hôtelière. Mais celle des Fenaisons n’existe pas encore. Elle part alors deux ans à Gap pour passer son BEP puis son CAP en Restauration-Tourisme et ensuite, elle se retrouve à Thonon-les-Bains pour gérer un restaurant et sa cave alors qu’elle n’a pas encore 20 ans. Un peu après, elle s’envole vers d’autres cieux, sur l’Ile de la Réunion comme réceptionniste dans un hôtel étoilé. 

Elle revient en métropole, travaille chez Hiély au Luculus à Avignon, passe une dizaine d’années à l’Aéroport Roissy-Charles-de Gaulle comme responsable d’exploitation, puis au George V à Paris. Elle suit ensuite les cours de l’Université du Vin de Suze-la-Rousse et fait valider sa formation de sommelière dans une grande maison de Gigondas, Perrin. Tour à tour, elle sera embauchée au Verger des Papes, au pied du château de Châteauneuf-du-Pape. Le groupe Gevrey-Chambertin fera aussi appel à elle, comme le fera aussi le restaurant du Cloître Saint-Louis à Avignon. Parallèlement, pendant de longues années, elle s’est occupée seule de sa maman malade. Et depuis juillet 2023, elle officie à Châteauneuf-du-Pape.

Vers le titre de Maître-Sommelier

Modeste et peu prolixe, elle rechigne à parler d’elle. « Je suis curieuse de nature, j’aime découvrir des cultures différentes, des épices, des saveurs, des alliances mets-vins, des recettes traditionnelles comme innovantes. Mais aussi partager, m’enrichir des autres, transmettre. J’ai la chance d’être dans un monde de culture, de patrimoine, de savoir faire et j’apprends constamment, je suis une épicurienne ». Elle fait aussi partie de la Confrérie des Côtes-du-Rhône gardoises avec le bouillonnant Pierre Pappalardo, vigneron à Laudun, des Disciples d’Escoffier et des Toques de France.

Elisabeth Doan qui, pour avoir ce titre de Maître-Sommelier, a dû justifier de 20 ans d’exercice professionnel et de 10 ans d’appartenance à l’Association des Sommeliers comme membre actif. Mais aussi de connaissances des vignobles, des cépages, des assemblages, de la règlementation, de la technique de vinification, des secrets d’élaboration des crus. Également, elle doit être capable de deviner à l’aveugle les appellations de vins, mais aussi les autres boissons alcoolisées. Elle voyage dans la France entière et à Monaco pour des évènements œnologiques comme des soirées de prestige.

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À Châteauneuf-du-Pape, avec le chef de l’Hostellerie du Château des Fines Roches, elle travaille en binôme pour changer la carte des vins quasiment toutes les semaines, en fonction des produits de saison, des arrivages de millésimes des 300 vignerons de Châteauneuf, des mets proposés et des bouteilles stockées dans la cave. Ce qui fait des centaines de références et de propositions alléchantes pour le palais des fins gourmets.

Elisabeth Doan avait eu la Grappe d’Argent en 2000, elle vient de décrocher celle d’Or, un quart de siècle plus tard. « Je ne m’y attendais pas, je fais mon métier sans rien demander, mais avec passion. Et cette reconnaissance me va droit au cœur. »

La Gappe d’Or épinglée à la boutonnière d’Elisabeth Doan. ©Andrée Brunetti / L’Echo du Mardi
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