22 novembre 2024 | Elections : On refait le match…

Ecrit par Didier Bailleux le 3 mai 2022

Elections : On refait le match…

Vivant aujourd’hui dans le Luberon, Didier Bailleux* propose désormais régulièrement des chroniques dans nos colonnes. L’occasion pour ce professionnel des médias de nous offrir une vision décalée de notre territoire. Après les péripéties afin de connaître son adresse exacte, on quitte momentanément la Provence cette semaine pour prendre la direction d’une scène plus nationale. Élections et actualité obligent.

Quoi qu’on en dise et quel que soit leur assez faible mobilisation électorale, les français ne sont pas insensibles à la politique. Ils l’aiment et pas uniquement parce qu’il en va de leur vie quotidienne et de l’avenir de leurs enfants, ils l’aiment parce que c’est aussi une compétition, un combat et un spectacle où comme dans tout sport on peut en sortir grandi et gagnant. Mais ce n’est pas systématique…

Relégation des équipes historiques
L’élection présidentielle de 2022 présente de nombreuses particularités. A commencer par le fait qu’il s’agit de la réédition du match de 2017, qu’une majorité d’entre nous ne souhaitions vraiment pas revivre.  A quoi bon faire le déplacement pour une rencontre dont on connaît le résultat par avance ?  C’est comme si le PSG recevait en finale de la Coupe de France l’équipe réserve du Thor. Qui pourrait reprocher à ces abstentionnistes de pratiquer de l’anti-jeu ? La démocratie pourrait-elle le supporter encore longtemps ?

Le match de 2022 a même quelque chose de douloureux pour les supporters de la gauche, qui pour la troisième fois, depuis 2002, sont priés de soutenir un candidat qui n’a pas vraiment leur préférence. Et cela au motif qu’il faut savoir ‘être républicain’ et faire barrage à l’extrême droite. On peut comprendre qu’ils aient le sentiment qu’on leur vole leur match et que la partie est quelque peu truquée ! Faut pas chercher bien loin les raisons de cette forme de désaveu, qui n’épargne pas non plus les équipes historiques mises aujourd’hui totalement KO, sonnées debout. Celles-là même qui occupaient, il n’y a pas si longtemps de cela, le haut du tableau…

Un non match
Autre paradoxe et pas des moindres : alors que les enjeux  n’ont jamais été aussi importants pour notre avenir et sans doute à terme pour notre civilisation, le débat qui a précédé cette élection n’aura jamais été aussi pauvre sur le fond. Et cela pas uniquement à cause de l’anesthésie provoquée par la crise sanitaire ou la guerre en Ukraine. A l’heure où des choix décisifs devaient être faits, on a discuté des nuances de la couleur des maillots ! Jamais un vote n’aurait dû être autant engageant, jamais il a été aussi vide, aussi plat… Comme un non match…

Un sport collectif
La politique ne saurait relever d’une pratique individuelle, il s’agit plutôt un sport d’équipe où les égos devraient savoir aussi s’effacer au profit de l’intérêt général. Certains joueurs ont des ‘moi’ tellement surdimensionnés qu’ils provoquent  dans certains cas cécités et surdités les plus extrêmes. Les idées et les programmes se sont progressivement effacés au profit de ceux qui les portent, de leurs personnalités voire de leurs traits de caractère.
Si prompt à donner des leçons, les forces dites de gauche illustrent sans aucun doute et de manière éclatante ce propos. Et les chiffres sont éloquents. Rien que l’ajout d’un peu plus de la moitié des votes portés sur le candidat du PCF aurait permis au candidat de gauche arrivé sur la troisième marche du podium d’être qualifié pour le second tour. Rappelons à toute fin utile qu’en 2017, ces deux partis c’était la même boutique.

En faisant front commun ces deux partis auraient très probablement évincé le RN dès le premier tour. Et surtout ils auraient permis pour le second tour un vrai débat opposant deux visions de la société avec deux projets tangibles.  
La démocratie en serait sortie vainqueur. Mais les égos l’ont emporté sur les négo comme le titrait Libération. Et comme le pire n’étant jamais sûr, ces mêmes challengers de gauche ont appelé le soir même du premier tour à voter pour le président sortant. Ils auront mis moins de temps à appeler à voter contre leur ennemi commun qu’à s’entendre ‘en famille’ pour le premier tour. L’important était de participer mais pas de gagner.

Le grand mercato des législatives
Mais la partie n’est pas finie, me direz-vous, il reste avec les législatives, un troisième tiers temps important. Et là c’est le grand mercato qui démarre : transferts de joueurs, rapprochements, alliances improbables et circonstancielles, négociations d’arrière boutiques avec son lot de trahisons et de rebondissements…
Changement de règles, maintenant c’est l’union qui fait la force. Il s’agit de dégager une majorité à l’assemblée nationale qui viendra en soutien ou en opposition au président fraichement réélu. Le match est relancé. Mais pas sûr que tout le public ne suive cette fois-ci…
Il est très probable que si rien n’a été réglé au soir du 24 avril les choses n’auront guère avancées le 19 juin prochain. Et peut-être que le vrai troisième tour ne se jouera pas dans les urnes mais dans la rue et que l’impatience si longtemps contenue de ceux qui n’ont rien à perdre se transforme en colère forte. Dans ce domaine nos concitoyens ont montré de par le passé de réelles capacités dans la pratique de ce sport…

Didier Bailleux

*Ancien directeur général et directeur de la rédaction de Mirabelle TV (télévision régionale en Lorraine), Didier Bailleux a été auparavant consultant dans l’audiovisuel et à travaillé sur plusieurs projets : TNT, SVOD, services en ligne, création de TV locales. En tant que directeur marketing, il a participé, dans les années 1990 et 2000, à la création de plusieurs chaînes thématiques : Canal J, Voyage et Pathé-Sport. Aujourd’hui, il vit en Vaucluse et travaille sur la production de documentaires consacrés aux terroirs.

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