« En matière de photographie de nu masculin on aura tout vu, ou je dirais plutôt pas tout vu, s’étonne Walter Deliperi, photographe avignonnais. Car, en photographie, le nu masculin, bizarrement, n’est jamais totalement nu. En revanche quand je regarde du côté du nu féminin je constate des nus… complètement nus ! Cela me chiffonne… » Ou l’origine du monde, acte 2 !
Le nu masculin, bizarrement, n’est jamais totalement nu.
« Heureusement, pour répondre concrètement et sans ambigüité à ma question il y a le festival international du nu à Arles ! Je me suis dit qu’il y aurait de vraies photos de nus d’hommes ! Je me précipite pour voir l’affiche, problème, où est le nu ? Ça y est, c’est reparti. Ok pour la feuille de vigne, il y avait là tout au moins une dimension écolo, puis les ‘Dieux du stade’ affublés de ballons de rugby, main- tenant c’est la mode du paréo. Quand je pense qu’un selfie d’Adam aurait pu remporter le premier prix du festival si Michel-Ange avait eu un Nikon à la place du burin, peut-être aurait-il réalisé un cliché de David pudiquement couvert d’une serviette de toilette du genre ‘je sors de la douche’ ou encore un Gustave Courbet, cette fois-ci avec un Canon, il nous aurait fait une ‘’origine du monde’’ recouverte d’un mouchoir blanc… ? Les images de ‘simili nu’ sont bien là et s’exposent sous nos yeux dans un festival.
Ma question est la suivante, a-t-on changé la signification du mot nu ou simplement a-t- on inventé un concept moderne spécifique à la photographie limitant l’art du nu, au presque nu ? Si on n’est pas capable de représenter un nu photographique masculin intégral, peut-on vraiment en faire son image iconique ? Ne doit-on pas plutôt, et plus justement, l’intituler le festival international de la photo déshabillée ? Titre plus modeste, certes, mais plus proche de la réalité. Non pas que la vision des parties intimes soit indispensable au nu, en revanche, l’absence de vêtements semble requise. L’art antique avait ses codes pour exposer le corps nu, la période classique aussi. Seul le Moyen Âge a interdit le nu. Notre époque moderne serait-elle rétrograde au point de s’autocensurer et ne pas se risquer à traiter le sujet du nu véritablement sans tabou. Pourquoi une telle gêne ? La réalité du corps serait-elle sujette à controverse ? Les ‘biens-pensants’ verraient-ils de la pornographie là où réside la nature humaine ? L’art se pare-t-il d’hypocrisie à une époque où le corps se dévoile pour tout, le nu féminin étant utilisé aux seules fins mercantiles ? Dissimuler la réalité signifie-t-il que notre époque est plus chaste que la Renaissance ? A l’ère du réchauffement climatique, comment expliquer aux générations futures que nos antiques aïeux étaient moins frileux que nous ? Alors je reviens à mes exemples : il y a bientôt mille ans Michel- Ange armé d’un marteau et d’un burin, avec une force incommensurable, a fait surgir du marbre l’homme nu. Courbet avec son pinceau nous a ouvert les yeux. Ces deux immenses artistes ont éduqué nos esprits tandis qu’aujourd’hui, plusieurs dizaines de millions de pixels suffisent à bâillonner les photographes dans ce que j’appelle ‘l’omerta photographique’.
Walter Deliperi, photograph