C’est Christelle Gouirand, commissaire-priseur qui sera au maillet pour la dispersion de la collection Emile Garcin ce samedi 26 novembre à Arles. Des centaines d’enchérisseurs seront en ‘live’ et, peut-être, plus d’une centaine en salle des ventes. L’occasion pour Christelle Gouirand de nous parler de son métier.
Ma passion pour les objets anciens ?
«C’est venu naturellement et ça ne m’a pas quittée. Peut-être parce que mes parents –mon papa est de Chateaurenard ce qui explique mon ancrage dans la région- adoraient faire les brocantes de Provins, d’où je suis native. Ça se faisait beaucoup à l’époque.»
La première salle des ventes où je suis entrée ?
«J’étais jeune enfant et elle se trouvait à Provins où nous vivions. La sortie du dimanche c’était souvent les antiquaires, les vide-greniers et les brocantes. J’ai toujours aimé les objets et l’ambiance des salles de vente. C’est à la fois amusant et intéressant de découvrir cette pluralité d’objets. Mon lieu préféré à Paris était le Louvres des antiquaires (Ndlr : 250 boutiques d’antiquaires au plus fort de son activité, sur 10 000m2, 2 place du palais Royal, Paris 1er . L’endroit est inauguré en octobre 1978 et fermé en août 2020). Un lieu magique qui, malheureusement n’existe plus aujourd’hui. Vous passiez du bijou ancien, aux faïences, sans oublier le mobilier XVIIIe et XIXe.»
Qu’est-ce que me racontent les objets ?
«Les techniques incroyables utilisées par l’artisan ébéniste, menuisier, horloger, parfois plusieurs d’entre-eux collaborent pour créer des objets. Egalement le fait que ces objets soient passés par plusieurs mains et lieux de vie dont l’on peut, parfois, retracer les appartenances. Un exemple ? Un jour nous avons vendu un exemplaire des ‘Fleurs du mal’ de Baudelaire qui avait appartenu à Paul Cézanne (1839-1906), sur la couverture de l’ouvrage il y avait des tâches de peinture. Le livre provenait lui-même d’un collectionneur régional qui l’avait acquis en vente aux enchères. C’est incroyable de se dire que ce livre appartenait au grand peintre, qu’il était dans son univers, qu’il l’a touché, lu et relu. Je crois que c’est l’objet qui m’a le plus émue.»
Et puis, il y a l’histoire !
«On a la chance, en France, de connaître des siècles d’histoire. Des époques très riches où s’est croisé le monde entier. Nous avons, dans notre pays, cette culture des objets et nous sommes l’endroit au monde qui nourrit sans doute, le plus d’appétence pour les brocantes. Les commissaires-priseurs sont très nombreux dans notre pays. Il y a cet intérêt, aussi, pour le détournement d’objet comme de faire d’une comtoise une vitrine, ou de faire d’un meuble rendu vieillot par son ancienne patine, un meuble plus actuel lorsqu’il est repris aux goût du jour… »
La préparation de la vente puis la récréation
«Oui, il faut du temps pour préparer une vente. On reçoit les lots, on les organise par groupe ou au contraire un à un. On les regarde, on les prend en photos. On décadre certaines œuvres. On organise l’exposition d’objets. On retourne les voir. Quant à l’aboutissement de la vente ? C’est un peu, pour nous, la récréation, un moment d’amusement. La dispersion de la collection d’Emile Garcin donnera à voir plus de 820 lots. Ce sera un véritable événement où l’Europe et le monde entier sera en live. J’ai déjà des acheteurs inscrits en provenance de Chine et de New-York.»
Juste avant la vente
«Est-ce que je suis stressée avant la vente ? Oui, très, très. Comment je me prépare ? Je m’isole dans un coin, je pense à la vente, je me mets dans ma bulle. Je me prépare mentalement. Le début de la vente ? C’est le plus dur. Il faut mettre l’ambiance, emporter les gens avec soi, créer les conditions de l’envie d’acheter. Est-ce que les gens me contactent à l’avance en me disant qu’ils sont intéressés par certains lots ? Oui, bien sûr, et je garde tout cela secret. On ne peut pas non plus préjuger de ce qui va se passer. C’est la surprise pour tout le monde y compris pour nous. Il y a des lots que l’on met très longtemps à préparer et qui passent en quelques minutes. On n’a pas le temps de penser, de s’attacher au lot qu’il est déjà passé. Une enchère dure très peu de temps. Le maillet a à peine frappé que vous êtes déjà passé au lot suivant. Il faut tenir le rythme.»
La vente qui m’a le plus marquée ?
«Une collection entière de mobilier Eugène Printz (1889-1948) ébéniste et décorateur français, designer de mobilier dans les années 1930-40, du mouvement Art Déco, très connu du grand public à l’international. C’était en octobre 2020, la vente a atteint les 2,5M€, et pour cause, il s’agissait d’un vrai trésor. Au-delà de la vente, nous faisons d’incroyables rencontres car, derrière la vente, il y a des hommes, des femmes, des familles avec qui nous tissons des liens de confiance. On ne veut pas décevoir la personne qui vous confie son objet, à la fois très important, et très personnel, car souvent lié à son histoire familiale.»
Les acquéreurs sont-ils attirés par la personnalité d’Emile Garcin ou par les lots mis en ligne ?
«Je pense qu’il s’agit des deux. Ce qui est très touchant ? C’est que la collection soit très éclectique et, ainsi, qu’elle séduise le plus grand nombre. Tout le monde peut tomber amoureux d’un de ces objets.»
Parmi les objets qui sortent de l’ordinaire ?
«Une paire d’oiseaux qui tiennent en leur bec une perle de l’artiste animalier, sculpteur et graveur, François-Xavier Lalanne (Août 1927-7 décembre 2008) actuellement très prisé. Il s’agit d’une paire de bougeoir en fonte d’aluminium estimée à partir de 3 000€. C’est le lot n°324. Il y a aussi des bouteilles de vin de Cheval-blanc –lot 77- et de château Yquem –lot 61-. Il y a aussi des photos de Jeanne Moreau en noir et blanc prises lors du film de François Truffaut, Jules et Jim. Et aussi cette paire de tableaux ayant appartenu à Jean-Louis Trintignant lots 380 et 500…
Le mot de la fin ? Je vends les meubles d’une personne qui vendait des immeubles, nous faisions le même métier, mais différemment,» sourit Christelle Gouirand.
Les infos pratiques
Dispersion de la collection Emile Garcin, précurseur de la vente de l’immobilier de luxe et de prestige. Samedi 26 novembre à 10h et 14h. Arles enchères. Maître Christelle Gouirand. Commissaire-priseur. 35 bis rue Nicolas Copernic à Arles. contat@arles-encheres.com 04 90 49 84 70. Tout le catalogue ici.