Dans un communiqué commun rendu public mardi 18 juin, 41 organisations professionnelles ont critiqué le « projet dangereux » de privatisation de l’audiovisuel public porté par le Rassemblement national (RN). Le président du parti d’extrême-droite, Jordan Bardella, a confirmé il y a quelques jours vouloir privatiser « à terme » l’audiovisuel public si le RN arrive au pouvoir à l’issue des élections législatives, afin notamment de « faire des économies ». Les organisations opposées à ce projet fustigent une mesure susceptible de « détruire directement des centaines de milliers d’emplois et un pan entier de l’économie ». Selon des chiffres relayés par Acrimed, l’audiovisuel public français compte 17 000 salariés directs (France Télévisions, Radio France), et autour de 100 000 au total si l’on ajoute les sous-traitants et l’écosystème des intermittents du spectacle. Une telle mesure, qui serait inédite en Europe, pose également des questions majeures en matière de pluralisme et de qualité de l’information. L’infographie ci-dessous donne un état des lieux des principaux propriétaires de chaînes de télévision à l’heure actuelle en France, ainsi qu’un aperçu de l’audience de leurs chaînes généralistes et d’information en continu.
Premier groupe audiovisuel en France selon l’audience, le groupe France Télévision exploite, entre autres, les chaînes France 2, France 3, France 5 et France Info. Comme le montre notre infographie, la part d’audience cumulée des chaînes publiques généralistes et d’information était d’environ 29 % (données de 2022), ce qui place France Télévision juste devant le groupe TF1, propriété du groupe Bouygues, qui cumulait 23 % de part d’audience avec TF1, TMC, LCI et TMX. Dans le détail, TF1 reste toutefois la chaîne la plus suivie devant France 2 et France 3 (près de 19 % de part d’audience, contre 15 % et 9 % respectivement).
En troisième position des groupes audiovisuels français, on trouve le groupe M6, détenu majoritairement par RTL Group, une filiale de l’entreprise de médias allemande Bertelsmann (famille Mohn). Si l’on exclut W9 (chaîne de musique et divertissement), les deux chaînes généralistes du groupe, M6 et 6ter, cumulent 10 % de part d’audience, dont 8 % environ pour la seule M6. Les groupes Altice Media et Canal+ (Bolloré) complètent le top 5, avec une part d’audience cumulée d’environ 7 % et 6 % pour leurs chaînes généralistes et d’information respectives. Le groupe de transport maritime CMA CGM, propriété du milliardaire Rodolphe Saadé, a annoncé en mars 2024 avoir signé un accord pour racheter Altice Media, maison mère de BFMTV et RMC, à l’homme d’affaires Patrick Drahi. La transaction se situerait autour de 1,5 milliard d’euros.
Comment est financé l’audiovisuel public en Europe ?
Après presque quatre-vingt-dix ans d’existence en France, la redevance télé (ou « contribution à l’audiovisuel public ») a été supprimée en 2022. Depuis cette date, le financement de l’ensemble des sociétés françaises de l’audiovisuel public est principalement issu de l’affectation d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Comme le détaille notre carte, partiellement basée sur les données d’une étude parue en décembre dernier, de nombreux pays européens financent aujourd’hui les chaînes publiques de télévision et de radio via des impôts/taxes ou des fonds publics (budget de l’État).
Ces dernières années, à l’image de la France, quelques autres pays européens ont supprimé les redevances et financent désormais l’audiovisuel public via un système de taxes. C’est le cas par exemple récemment en Suède et au Danemark, où depuis respectivement 2018 et 2022, ce secteur est principalement financé avec des impôts.
Certains pays voisins de la France comme l’Allemagne, la Suisse et l’Italie, continuent à financer leur audiovisuel public via un modèle de redevances : payées directement par les citoyens pour les deux premiers cités, et prélevées sur les factures d’électricité pour l’Italie (comme au Portugal et en Grèce).
De Tristan Gaudiaut pour Statista